L’anémie hémoly­tique auto-immune (AHAI) est une mal­adie du sang qui se traduit par une baisse nor­male du nom­bre de glob­ules rouges (aus­si appelés hématies) et du taux d’hémoglobine, ce qu’on appelle une anémie. Cette mal­adie existe chez l’humain; chez le chien et le chat, on par­le plus volon­tiers d’anémie hémoly­tique à médi­a­tion immune (AHMI).

Hématie de chien. 

La durée de vie des glob­ules rouges (hématies) en cir­cu­la­tion est nor­male­ment de 120 jours; lors d’AHMI, des anti­corps sont présents dans le sang. Les anti­corps sont des sub­stances fab­riquées par le sys­tème immu­ni­taire de défense de l’organisme. Ces anti­corps sont des «auto-anti­corps» car ils sont dirigés con­tre les pro­pres glob­ules rouges du malade; il s’agit donc «d’auto-anticorps». Les hématies sont ain­si détru­ites. On par­le d’anémie hémoly­tique « auto-immune », ou à médi­a­tion immune.

La mal­adie peut attein­dre des chiens et chats de tout âge, mais cer­taines prédis­po­si­tions sont pour­tant notées. L’AHMI est plus fréquem­ment ren­con­trée chez les chiens que chez les chats et chez les ani­maux d’âge moyen (dans dif­férentes études, sont retrou­vés des chiens âgés de 1 à 13 ans — médi­ane à six ans), un peu plus fréquem­ment chez les femelles.

Cer­taines races, comme les Cock­ers, les Labradors (moins les Gold­en Retriev­ers), les Bichons frisés, les Canich­es, les Spitz finnois, les Rot­tweil­ers, les Bob­tails, les Set­ters irlandais, les Pin­sch­er nains et les Col­lies sem­blent prédisposées.

Cer­taines études pointent une aug­men­ta­tion de l’AHMI au print­emps, sans déter­min­er les élé­ments favorisant cette vari­a­tion saisonnière.

Il existe différents types d’AHMI:

Selon le type et les car­ac­téris­tiques des auto-anti­corps en cause, on dis­tingue deux types d’AHMI :

      • les AHMI à auto-anti­corps dits «chauds», act­ifs à une tem­péra­ture com­prise entre 37 et 40°C. Elles sont les plus fréquentes (env­i­ron 70 % des cas) ;
      • les AHMI à auto-anti­corps dits «froids», act­ifs à des tem­péra­tures inférieures à 30°C. La «mal­adie chronique des agglu­tinines froides» (MAF) est la forme la plus fréquente d’AHMI à auto-anti­corps « froids ».

Les caus­es d’AHMI:

Le sys­tème immu­ni­taire, dont la fonc­tion essen­tielle est nor­male­ment d’assurer la défense de l’organisme vis-à-vis des agres­sions extérieures (bac­téries, virus…), dys­fonc­tionne et pro­duit de façon anor­male des anti­corps dirigés con­tre les hématies.

Les caus­es exactes de l’AHMI sont sou­vent inconnues.

Néan­moins, cer­tains fac­teurs déclen­chants peu­vent par­fois être identifiés :

      • une infec­tion virale
      • la prise de cer­tains médica­ments (alpha-méthyl-dopa..)
      • l’association à une autre mal­adie auto-immune (un lupus par exem­ple) ou encore à la mul­ti­pli­ca­tion anor­male de cel­lules des gan­glions lym­pha­tiques appelée lymphome.

L’anémie hémoly­tique à médi­a­tion immune n’est pas contagieuse.

Cer­taines sont héréditaires :

      • Anom­alie de l’hème et de l’hémoglobine
      • Anom­alies de la mem­brane des hématies (Schnau­zer Nain, Soma­li, Abyssin)
      • Déficit enzy­ma­tique :
        • Défi­cience en pyru­vate kinase (Basen­ji, West High­land white ter­ri­er)
        • Défi­cience en phos­pho­fruc­tok­i­nase (Épag­neuls anglais, Cock­ers*)
      • Anémie hémoly­tique non sphéro­cy­taire (Caniche, Bea­gle)

Les signes d’AHMI :

Cette mal­adie provoque deux grands types de manifestations :

      • des man­i­fes­ta­tions liées à la baisse de la quan­tité de glob­ules rouges dans le sang (anémie) : un essouf­fle­ment pour des efforts peu impor­tants, une pâleur des muqueuses, une fatigue générale.
      • des man­i­fes­ta­tions liées à la destruc­tion accrue des glob­ules rouges (hémol­yse) avec une col­oration jaunâtre de la peau et/ou des con­jonc­tives (blanc de l’œil), appelée ictère ou jau­nisse, et des urines qui peu­vent par­fois être très fon­cées (rouge/brun). Vom­isse­ments, diar­rhées, par­fois aug­men­ta­tion du vol­ume des bois­sons et des urines.

Les anti­corps anor­maux (auto-anti­corps) provo­quent la destruc­tion des glob­ules rouges, l’hémolyse.

L’hémoglobine, qui est une pro­téine con­tenue dans les glob­ules rouges et qui dis­tribue l’oxygène à tout l’organisme, se retrou­ve alors détru­ite. C’est cette destruc­tion qui explique à la fois l’anémie (sans hémo­glo­bine, le sang né peut plus trans­porter l’oxygène, ce qui provoque les man­i­fes­ta­tions décrites plus haut) mais aus­si la jau­nisse (ictère) et la col­oration fon­cée des urines. En effet, l’hémoglobine est rapi­de­ment trans­for­mée en biliru­bine, qui est un pig­ment brun-jaune. C’est cette biliru­bine libre qui,en s’accumulant dans le sang, va col­or­er la peau et les yeux et être respon­s­able de la jaunisse.

L’hémolyse épuise les reins et l’animal développe une insuff­i­sance rénale; des tox­iques dan­gereux s’accumulent.

Par­fois, s’associe une destruc­tion des pla­que­ttes san­guines (throm­bo­cy­topénie) qui peut se traduire par des saigne­ments au niveau des muqueuses.

Le diagnostic d’AHMI:

La prise de sang met en évidence :

      • l’anémie : baisse du taux d’hémoglobine dans le sang
      • l’hémolyse : destruc­tion des glob­ules rouges (aug­men­ta­tion de l’haptoglobine, du LDH… présence de schizo­cytes : résidus de glob­ules rouges détru­its) et présence de nom­breux rétic­u­lo­cytes : la moelle osseuse fonc­tionne nor­male­ment et pro­duit un max­i­mum de nou­veaux glob­ules rouges)
      • test de Coombs direct posi­tif : mise en évi­dence d’auto-anticorps dirigés con­tre les pro­pres glob­ules rouges

Schizo­cyte de chien

Test de Coombs direct positif

Le traitement de l’AHMI:

Dans le cas des AHMI à auto-anti­corps «chauds» ce traite­ment est qua­si­ment tou­jours néces­saire. Celui-ci repose avant tout sur des médica­ments, les cor­ti­coïdes (cor­ti­sone ou ses dérivés). En moyenne, 80% des malades répon­dent favor­able­ment au traite­ment par cor­ti­coïdes. Sinon, d’autres traite­ments (immuno­sup­presseurs) peu­vent être indiqués selon les cas.

Des trans­fu­sions san­guines peu­vent égale­ment être néces­saires pour «pass­er un cap» au début, lorsque l’anémie est impor­tante et mal tolérée, en atten­dant l’efficacité du traite­ment médicamenteux.

Dans tous les types d’AHMI, la prise régulière de «folates» (vit­a­mine B9) est utile pour faciliter la fab­ri­ca­tion plus rapi­de des glob­ules rouges par la moelle osseuse.

Si l’AHMI est liée à une cause, le traite­ment de la cause est évidem­ment primordial.

Selon les études, les taux de survie des chiens sont extrême­ment vari­ables (mor­tal­ité de 30% à 100% selon les cen­tres). On note néan­moins deux pro­fils de survie :

      • cer­tains chiens décè­dent en un mois
      • les chiens qui sur­vivent au-delà du deux­ième mois ont une durée moyenne de survie de presque trois ans.

La splénec­tomie est par­fois recom­mandée. Il s’agit d’une inter­ven­tion chirur­gi­cale lourde (abla­tion de la rate) et dan­gereuse, impli­quant une hos­pi­tal­i­sa­tion et des douleurs, dont le reten­tisse­ment est loin d’être négligeable.

Le pronos­tic des chiens est plus favor­able s’ils sont jeunes.

Bib­li­ogra­phie:

  1. Les anémies et les throm­bopénies auto-immunes chez les car­ni­vores domes­tiques – Thèse pour le doc­tor­at vétéri­naire, E. Donzel, Fac­ulté de Médecine de Créteil,2007
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  6. Miller E (2009) Immune-medi­at­ed haemolyt­ic ane­mia. Kirk’s Cur­rent Vet­eri­nary Ther­a­py XIV — edi­tors JD Bonagu­ra & DC Twedt, Saun­ders Else­vi­er, St Louis pp 266
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